Les clauses pénales et les clauses de dédit
Pourtant très proches, ces deux types de clauses sont significativement différentes. Soyez en conscient à la rédaction de votre contrat.
1. Introduction
Les clauses pénales ont pour objet de fixer, à l’avance, le montant de l’indemnité forfaitaire à laquelle le créancier aura droit si son débiteur venait à manquer à ses obligations.
Exemple : « En cas de non-paiement des sommes dues à l’échéance, le signataire de seconde part devra au signataire de première part, de plein droit et sans mise en demeure, une indemnité forfaitaire équivalente à 15 % des sommes impayées ».
Les clauses de dédit ont pour objet de reconnaître à une partie au contrat la possibilité de ne pas exécuter ses obligations, moyennant le paiement d’une contrepartie à son cocontractant. (Notons que cette faculté de dédit est de droit en matière de contrat d’entreprise (il ne s’agit pas seulement des contrats d’entreprise de construction ; tous les contrats d’entreprise sont visés, qu’ils portent sur des prestations matérielles ou sur des prestations intellectuelles) à durée déterminée ou portant sur un objet déterminé : le donneur d’ordre pourra toujours le résilier unilatéralement à charge pour lui d’indemniser l’entrepreneur de toutes ses dépenses, de tous ses frais et de tout ce qu’il aurait pu gagner dans l’entreprise (article 1794 du Code civil).)
Exemple : « Le signataire de seconde part pourra mettre fin au contrat à tout moment et sans préavis. En pareil cas, il devra au signataire de première part, de plein droit et sans mise en demeure, une indemnité forfaitaire équivalente à 50 % de la moyenne des 9 derniers mois des prestations facturées ».
2. Clause de dédit vs. clause pénale
Les clauses pénales et de dédit sont semblables en ce que, toutes deux, fixent le montant de l’indemnité forfaitaire due par la partie qui n’exécute pas ses obligations.
Elles diffèrent toutefois sur des points essentiels que l’on peut présenter comme suit :
Clause pénale
|
Clause de dédit |
Hypothèse où la clause s’applique
|
|
La clause pénale s’applique en cas d’inexécution fautive ou de violation du contrat.
|
La clause de dédit joue en cas de résolution unilatérale non fautive du contrat. |
Clause pénale |
Clause de dédit
|
Nature de l’indemnité forfaitaire
|
|
La clause pénale fixe le montant forfaitaire du dommage prévisible ; il ne s’agit pas de fixer un montant coercitif ou punitif (il ne faut pas se laisser induire en erreur le terme ‘pénal’). La clause doit donc avoir un caractère purement indemnitaire et non comminatoire.
Ainsi, s’il estime que le montant de l’indemnité est trop important, en vertu de l’article 1231, § 1er du Code civil, le juge réduira le montant de l’indemnité forfaitaire au montant qu’il estime raisonnable.
|
La clause de dédit peut avoir un caractère coercitif. Selon la Cour de cassation, « il n’appartient pas, en règle, au juge d’apprécier le rapport entre le montant convenu et le dommage susceptible d’être causé par (la) résolution unilatérale ».
Aucune disposition légale ne permet donc au juge d’annuler ou de réduire le montant de l’indemnité forfaitaire fixée par une clause de dédit, sauf à invoquer l’abus de droit ou l’atteinte à l’ordre public. |
Montants généralement acceptés à titre indemnitaire
|
|
Lorsque l’inexécution sanctionnée est un défaut de paiement, les tribunaux acceptent généralement que le montant des clauses pénales soit équivalent à 10-15 % des sommes impayées (Le montant des clauses pénales acceptées par les Tribunaux de commerce est quasiment « barèmisé». Ainsi, les tribunaux de commerce de Nivelles, Charleroi, Namur acceptent généralement les pourcentages suivants (mais le juge peut évidemment accorder plus…ou moins, selon les circonstances) :
à Bruxelles, le tribunal de commerce fixe généralement la barre à 10 %.). |
Une indemnité correspondant, par exemple, à 40-60 % des sommes restant à facturer ne suscitera pas de difficulté et ne sera normalement pas considérée comme étant comminatoire ; en effet, il est légitime que le cocontractant victime de la résolution soit indemnisé de son manque à gagner.
|
Clause pénale |
Clause de dédit
|
‘Moment’ où la clause s’applique
|
|
Le plus souvent, la clause pénale s’appliquera lorsque ce sera au tour du cocontractant de s’exécuter, soit, le plus souvent, de payer. |
La clause de dédit s’appliquera alors que l’entrepreneur n’a pas encore exécuté toutes ses prestations ; et comme le contrat est résolu, il ne les achèvera d’ailleurs jamais.
|
En cas d’exécution partielle de l’obligation
|
|
L’article 1231, § 2 du Code civil autorise le juge à réduire le montant de l’indemnité forfaitaire fixée par une clause pénale si l’obligation visée a été partiellement exécutée.
|
Même si le cocontractant avait déjà partiellement exécuté son obligation, l’intégralité de l’indemnité de dédit sera due.
|
En cas de contrat conclu avec un consommateurLoi du 14 juillet 1991 sur les pratiques du commerce et sur la protection et l’information du consommateur
|
|
Exigence de réciprocité générale : l’article 32, 15° de la loi déclare abusives et donc nulles les clauses pénales à charge du consommateur si le contrat ne prévoit pas une indemnité ‘du même ordre’ à charge du vendeur si celui-ci ne devait pas exécuter ses propres obligations. |
Exigence de réciprocité limitée : l’article 32, 24° de la loi déclare abusives et donc nulles, uniquement les clauses de dédit qui autorisent le vendeur à conserver les sommes reçues du consommateur lorsque celui-ci renonce à conclure le contrat sans prévoir une indemnité équivalente, lorsque c’est le vendeur qui y renonce.
Toutes les autres clauses de dédit sont valables.
|
3. Conclusion
Les clauses pénales et de dédit répondent à des finalités bien différentes et sont soumises à des régimes juridiques distincts. Spécialement, la liberté contractuelle est plus large s’agissant des clauses de dédit que des clauses pénales.
Au moment de rédiger, ou de relire un contrat, il importe donc de bien distinguer ces deux types de clause.