Le droit d'investigation et de contrôle de l'associé

Rédigé le 30 September 2015

En tant qu'associé, vous avez des doutes sur la gestion de l'entreprise par vos partenaires. Que pouvez-vous faire ?

1. Introduction

 

Monsieur Dupont a une petite participation dans une PME. Il lui revient qu’il se passe des choses « pas très catholiques » dans ladite entreprise.

Il compte bien poser des questions à ce sujet lors de la prochaine assemblée générale. Mais celle-ci n’aura lieu que dans plusieurs mois. En attendant, que peut-il faire ?

 

2. Droit d’investigation et de contrôle

 

L’article 166 du Code des sociétés (L’article 166 du Code des sociétés s’applique tant aux s.a. qu’aux s.p.r.l. Pour les sociétés coopératives, il existe un régime spécifique (voir l’article 385 du Code des sociétés)), dispose que :

« Au cas où aucun commissaire n'est nommé, chaque associé a, nonobstant toute stipulation contraire des statuts, individuellement les pouvoirs d'investigation et de contrôle des commissaires. Il peut se faire représenter ou se faire assister par un expert-comptable.»

 

3.  Sociétés concernées : les PME     

 

« Au cas où aucun commissaire n'est nommé … ». Les PME (En bref, conformément à l’article 15 du Code des sociétés, sont considérées comme des PME, les sociétés qui ne dépassent pas plus d’un des critères suivants : (a) nombre de travailleurs : 50 ; (b) chiffre d’affaires annuel htva : 7.300.000 € ; (c) total du bilan : 3.650.000 € ; et pour autant que, en moyenne annuelle, elles n’occupent pas plus 100 travailleurs.) ne sont pas obligées de nommer un commissaire-réviseur. C’est donc dans les PME que le droit d’investigation et de contrôle de l’associé individuel trouvera généralement à s’appliquer.

Mais rien n’empêche une PME de nommer un commissaire, alors qu’elle n’y est pas légalement tenue, notamment pour se prémunir contre l’exercice du droit d’investigation et de contrôle des associés. En soi, pareille précaution n’est pas répréhensible (Toutefois, si la désignation d’un commissaire-réviseur est exclusivement destinée à mettre en échec le droit d’investigation individuel de l’associé, spécialement si l’on peut suspecter que la gestion de la société présente de graves irrégularités, alors, le juge des référés suspendra la décision de l’assemblée générale désignant le commissaire et l’associé retrouvera son droit (Bruxelles, 14 janv. 1999, Rev. prat. soc., 1999, p. 301)).

 

4. Etendue du droit d’investigation et de contrôle

 

Le droit d’investigation et de contrôle de l’associé est très large. En fait, l’associé a les mêmes droits que ceux qu’aurait un commissaire-réviseur si la société en avait désigné un.

Ainsi, tout comme un commissaire, il pourra « à tout moment (C’est-à-dire « sans préavis ni autorisation préalable »; I. VEROUGSTRAETE, Le contrôle financier des sociétés anonymes, dans : Les sociétés commerciales, J.B.B, 1985, p. 294, n° 43), prendre connaissance, sans déplacement, des livres, de la correspondance, des procès-verbaux et généralement de toutes les écritures de la société ». Il pourra également « requérir de l’organe de gestion, des agents et des préposés de la société toutes les explications ou informations et procéder à toutes les vérifications qui (lui) paraissent nécessaires » (article 135, § 1er du Code des sociétés).

 

Le cas échéant, l’associé minoritaire agira en référé s’il se sent entravé dans l’exercice de son droit d’investigation et de contrôle. La société et ses organes seraient d’ailleurs fort mal inspirés de « faire de la résistance », dès lors que de lourdes sanctions pénales frappent « ceux qui mettent obstacle aux vérifications auxquelles ils sont tenus de se soumettre (…) ou qui refusent de donner les renseignements qu’ils sont tenus de fournir (…) ou qui donnent sciemment des renseignements inexacts ou incomplets » (article 170, 4° du Code des sociétés).

 

5. Limites au droit d’investigation et de contrôle

 

Dès lors que la mission du commissaire-réviseur porte sur le contrôle des comptes annuels avant leur approbation par l’assemblée générale, la doctrine majoritaire considère que le droit de contrôle de l’associé individuel est limité aux informations se rapportant « à l’exercice en cours ou à un exercice pour lequel la reddition des comptes à l’assemblée n’a pas encore eu lieu » (P. VAN OMMESLAGHE & X. DIEUX, "Examen de jurisprudence - les sociétés commerciales", R.C.J.B., 1993, p. 697, n° 95. Dans le même sens R. PRIOUX & M. CALUWAERT, L’information légale des associés des sa, sprl et scrl, dans : Guide juridique de l’entreprise, Livre 26.1., n° 160 et TPDC, T.4, Kluwer, 1998, p. 374)).

Certains auteurs tirent toutefois argument du fait que la mission du commissaire-réviseur porte également sur le contrôle de la situation financière de la société, pour justifier que l’associé puisse, dans certains cas, avoir accès à des informations se rapportant à des exercices antérieurs (W. DERIJCKE, "Le pouvoir individuel d’investigation et de contrôle dans la société anonyme par ses actionnaires : amicitia furor brevis est ?", commentaires sous Bruxelles, 14 janv. 1999, Rev. prat. soc., 1999, p. 318, n° 7).

Cette opinion minoritaire ne peut être ignorée, mais, en tout état de cause, « le droit d’investigation ne s’étend pas à un examen détaillé des comptes des exercices antérieurs déjà approuvés par l’assemblée générale » (P. HAINAUT-Hamende & G. RAUCQ, Les sociétés anomymes – constitution et fonctionnement, Larcier, 2005, p. 575, n° 449, citant : Comm. Bruxelles (réf), 27 sept. 1988, 1989, p. 217, note K. GEENS)

Enfin, l’associé ne peut abuser de son droit, par exemple, en profitant de ses investigations pour réunir des informations en vue de l’exercice d’une activité concurrente ou pour s’approprier des secrets d’affaires de la société (Comm. Bruxelles (réf.), 13 oct. 1988, T.R.V., 1989, 226).

 

6. Représentation et assistance par un expert-comptable

 

Dans l’exercice de son droit d’investigation et de contrôle, l’associé pourra se faire représenter ou assister (Les termes « ou assister » ont été ajoutés par la loi du 2 août 2002 sur la corporate gouvernance. Avant cet ajout, certains considéraient que, en cas représentation de l’associé par un expert-comptable, la présence de l’associé lui-même lors des opérations d’investigation et de contrôle était exclue : l’associé ne pouvait pas être à la fois présent ET représenté (et donc absent). Aujourd’hui, il ne fait plus aucun doute que l’associé et son expert-comptable peuvent procéder ensemble aux opérations.) par un expert-comptable. Les experts-comptables disposent, à cet égard, d’un monopole légal. L’associé ne pourra donc pas être représenté ou assisté par un réviseur d’entreprises (P. VAN OMMESLAGHE & X. DIEUX, op. cit., p. 697. Contra : W. DERIJCKE, op. cit., p. 317, n°5).

 

7. Conclusion

 

Monsieur Dupont est bien armé pour rechercher ce qui se passe dans l’entreprise.

Toutefois, d’expérience, on constate que l’exercice du droit d’investigation et de contrôle est souvent ressenti comme une véritable « déclaration de guerre » par les associés majoritaires. Monsieur Dupont n’usera donc de son droit qu’avec prudence et en dernier recours.

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