La proposition contractuelle

Rédigé le 1 October 2015

A l'occasion de pourparlers, une des parties émet une offre. Est-elle liante ? définitive ? Autant d'aspect sur lesquelles la plus grande attention mérite d'être portée.

1. Introduction

 

« La présente offre remplace et annule notre offre du …. ».

C’est classique, mais qu’en pense le juriste ?

 

2. Définition de l’offre

 

En droit, « une offre est l’émission définitive de la volonté d’une des parties précisant les éléments essentiels du contrat à conclure, de sorte qu’il suffit qu’elle soit acceptée par l’autre partie pour que le contrat se forme » (Cass, 23 sept. 1969, Pas., 1970, I, p. 73).

S’il n’y a pas volonté certaine et définitive de conclure un contrat ou si certains éléments essentiels restent en suspens, il n’y a pas d’offre au sens juridique du terme.

Exemples (Tirés de : M. FONTAINE, "Offre et acceptation, approche dépassée du processus de formation des contrats", dans : Mélanges offerts à Pierre Van Ommeslaghe, Bruylant, 2000, p. 122, n° 8) :

  • Seriez-vous intéressé par l’achat de ma voiture ? : la volonté de vendre la voiture n’est pas certaine ;
  • Sous réserve de l’acceptation pour notre service achat, nous vous commandons … : la volonté d’acheter n’est pas définitive ;
  • Je suis d’accord sur tout, mais quel est votre délai de livraison ? : il manque un élément essentiel.

 

3. L’engagement unilatéral

 

Une offre constitue un engagement unilatéral qui lie son auteur (S. STIJN, D. VAN GREVEN & P. WERY, Chronique de jurisprudence – Les obligations : les sources (1985-1995), JT, 1996, p. 692, n° 7).

À partir de quand l’offrant est-il lié ?

La doctrine majoritaire considère que l’offrant est lié aussitôt que son offre parvient à son destinataire (théorie de la réception) et ce même si, en fait, ce dernier n’en a pas encore pris connaissance (T. STAROSSELETS, Offre et acceptation : principes et quelques réflexions spéciales, dans : Le processus de formation du contrat, Larcier, CUP, vol. 72, 09/2004, p. 28, n° 16).

Ainsi, l’offre envoyée par courrier liera l’offrant aussitôt que le bénéficiaire-destinaire de la lettre l’aura reçue, et ce même s’il ne l’a pas encore ouverte.  Plus moderne : si l’offre est envoyée par email, l’offrant sera lié dès réception, même s’il reçoit en réponse un email de type « Out of Office AutoReply ».

Pendant combien de temps l’offrant est-il lié ?

Si l’offre précise sa durée de validité, la situation est claire.

À défaut de précision, l’offrant doit maintenir l’offre pendant un délai raisonnable à apprécier en fonction des circonstances. On tiendra compte, à cet égard, des usages du secteur, de la complexité de l’offre (une offre complexe est longue à analyser et doit donc être maintenue plus longtemps ; P.e. : 1 mois pour une offre de cession d’un fonds de commerce (Mons, 10 décembre 1985, R.D.C., 1986, p.670)) et de toutes les circonstances de fait (urgence, relations suivies entre parties, etc) (T. STAROSSELETS, op. cit., p. 29, n° 17).

 

4. La rétractation de l’offre

 

La rétractation de l’offre est son retrait avant qu’elle ne soit parvenue à son destinataire.

L’exemple classique est celui de l’offre envoyée par courrier ordinaire que l’offrant annule par fax ou par email avant que ledit courrier n’ait été reçu par le destinataire. En pareil cas, puisque l’offrant n’est pas encore lié, il peut sans difficulté rétracter son offre.

Par contre, lorsque l’offre a été envoyée par fax ou par email, la rétractation est difficilement imaginable.

 

 

5. La révocation de l’offre

 

La révocation de l’offre est son retrait, après sa réception par le destinataire, mais avant l’expiration de son délai de validité.

Dès lors que l’offre s’analyse comme un engagement unilatéral qui lie l’offrant, sa révocation n’est pas possible : l’offrant qui retire son offre trop tôt commet une faute et le bénéficiaire pourra lui réclamer des dommages et intérêts, ou même, selon certains, l’obliger à exécuter l’offre acceptée (La doctrine et la jurisprudence sont partagées sur le fondement contractuel ou extra-contractuel de la sanction et sur la possiblité d’une réparation en nature du domage lié au retrait intempestif de l’offre. Voir à ce sujet : C.  DELFORGE, La formation des contrats sous un angle dynamique. Réflexions comparatives, dans : Le processus de formation du contrat, Bruylant – LGDJ, 2002, p. 164 et 165, n° 31 et 32 et M. COIPEL, "La théorie de l’engagement", dans : Mélanges offerts à Pierre Van Ommeslaghe, Bruylant, 2000, p. 42, n° 23).

C’est donc à tort que certains croient qu’une offre est révocable aussi longtemps qu’elle n’a pas été acceptée et qu’ils peuvent, sans faute, envoyer une nouvelle offre qui « remplace et annule notre offre du … » !

On sera attentif au fait que la situation est légèrement différente en droit français (Ph. JESTAZ, "L’engagement par volonté unilatérale", dans : Les obligations en droit français et en droit belge, convergences et divergences, Bruylant – Dalloz, 1994, p. 3 et svt.). Par contre, en droit anglais et s’agissant des contrats internationaux (et des offres) soumis à la Convention de Vienne sur les contrats de vente internationale de marchandises, la règle est exactement inverse : tant qu’elles ne sont pas acceptées, en principe, les offres sont révocables (L’article 16 de la Convention de Vienne dispose que : 1) Jusqu'à ce qu'un contrat ait été conclu, une offre peut être révoquée si la révocation parvient au destinataire avant que celui-ci ait expédié une acceptation. 2) Cependant, une offre ne peut être révoquée : a) si elle indique, en fixant un délai déterminé pour l'acceptation, ou autrement, qu'elle est irrévocable, ou b) s'il était raisonnable pour le destinataire de considérer l'offre comme irrévocable et s'il a agi en conséquence.).

 

6. Caducité de l’offre

 

L’offre devient caduque, c’est-à-dire qu’elle cesse d’exister, lorsque le bénéficiaire a laissé passer le délai d’acception (que celui-ci ait été fixé dans l’offre ou qu’il s’agisse du « délai raisonnable »).

Une acceptation tardive de l’offre est donc sans effet.

L’offre devient également caduque lorsque, avant l’expiration du délai, le bénéficiaire l’a rejetée (ou a fait une contre-offre, ce qui, juridiquement, revient au même) (Bruxelles, 10 septembre 2007, J.T., 2007, p. 818).

Ainsi donc, une fois que le bénéficiaire a rejeté l’offre (ou s’il a formulé une contre-offre), celle-ci cesse d’exister tant et si bien que le contrat ne sera pas conclu si, par la suite, le bénéficiaire revient sur sa décision et marque son acceptation.

 

7. La nullité de l’offre

 

Il arrivera que, une fois l’offre envoyée, l’offrant s’aperçoive qu’il a commis une erreur dans la formulation de celle-ci.

Si l’erreur en question constitue un vice de consentement c’est-à-dire, pour faire bref, s’il s’agit d’une erreur excusable portant sur un élément essentiel de l’offre, celle-ci sera entachée de nullité (Comm. Mons (ch. vac.), 8 juill. 2003, R.G.D.C., 2004, p. 208, note C. DELFORGE, pp. 211 à 213, note P. WERY).

Il n’y aura donc aucune difficulté à ce que l’offrant formule une nouvelle offre dans laquelle il aura corrigé son erreur.

Par contre, si l’erreur ne porte pas sur un élément essentiel ou si elle n’est pas excusable (exemple : l’offrant a joint à son offre une liste de prix périmée), l’offrant ne pourra corriger le tir : il est et restera lié par son offre durant tout le délai de validité de celle-ci.

 

8.           L’offre modifiée ou complétée

 

Une fois l’offre envoyée, l’offrant peut-il encore modifier ou compléter celle-ci ?

On considère traditionnellement que l’absence d’accord des parties sur des éléments accessoires n’empêche pas la conclusion du contrat.

De la même manière, le fait de modifier ou de compléter une offre sur des aspects secondaires de celle-ci ne constitue pas un changement de l’offre qui équivaudrait à une révocation fautive de celle-ci.

Pourtant, d’aucuns (T. STAROSSELETS, op. cit., p. 46 et 47, n° 34) considèrent que, si l’offrant prend le soin de modifier ou de compléter son offre en précisant certains aspects qui, a priori, paraissent être accessoires, c’est précisément parce que, à ses yeux, ceux-ci sont importants. Sinon, pourquoi prendrait-il la peine de les préciser ? Il y aurait alors une modification fautive de l’offre initiale. À suivre ce raisonnement, pour éviter toute difficulté, l’offrant qui modifie ou complète son offre devrait clairement préciser au bénéficiaire qu’il considère que les modifications et ajouts en question sont de peu d’importance.

 

9.           Clause contractuelle

 

En conclusion, par sécurité, l’offrant sera bien inspiré d’insérer dans son offre une clause telle que la suivante :

 

« Nonobstant son délai de validité et aussi longtemps qu’elle n’aura pas été acceptée, la présente offre pourra être révoquée ou modifiée à tout moment, sans préavis ni indemnité ».

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