Comment valoriser une entreprise (par un avocat qui n'y connait pas grand-chose) ?

Rédigé le 14 March 2023

Comment valoriser une entreprise ? (par un avocat qui n’y connait pas grand-chose)

Comment cacluler la valeur d'une société ? Comment se déroule la valorisation ? La valorisation d'une entreprise est une opération complexe qui est l'affaire de spécialistes, mais il faut quand même s'efforcer de comprendre les méthodes qu'ils utilisent et les mécanismes qu'ils mettent en place.

1.   « Combien vaut ma société ? »

D’emblée, il faut rappeler que « la valeur n’est pas le prix » : telle entreprise vaut peut-être autant, mais telle personne est peut-être prête à payer beaucoup plus pour l’acquérir. 

On ne parle pas ici d’un supplément de prix, par rapport à la valeur, que l’acquéreur est prêt à payer en raison de synergie qu’il envisage avec une entreprise qu’il contrôle déjà, ou en raison de projets innovants qu’il compte y déployer : en principe, ces facteurs sont intégrés dans les méthodes de valorisation (p. ex. dans la méthode DCF). 

Il s’agit plutôt du facteur humain : « je suis prêt à payer un surprix pour cette entreprise parce que cela me tient à cœur ». 

2.   Méthodes de valorisation

Il existe de multiples méthodes de valorisation communément utilisées par les spécialistes en la matière (expert-comptable, réviseurs, banquier, etc.).

Globalement, deux approches sont suivies :

  • je regarde vers le passé : quelles richesses l’entreprise a-t-elle accumulées ? Selon cette approche, on parle de méthodes patrimoniales

  • je regarde vers l’avenir : qu’est-ce que l’entreprise va me rapporter ? Selon cette approche, on parle de méthodes de rendement.

3.   Méthodes patrimoniales

La méthode patrimoniale la plus utilisée est celle de l’Actif Net Réactualisé

Selon cette méthode, on prend la valeur nette comptable de la société, mais on actualise (fictivement ; en ‘vrai’, on ne touche à rien dans la compta) les postes d’actifs et de passifs. 

Par exemple, à l’actif, il y a un immeuble qui, comptablement, vaut 100.000 €, mais qui, en réalité, vaut 170.000 €. Il y a aussi une créance de 25.000 €, mais les chances de récupérer quoi que ce soit sont à peu près nulles. Au passif, on trouve une dette de 50.000 €, mais qui, en fait, est prescrite si bien qu’on sait qu’on ne la paiera jamais. 

On va donc corriger l’actif net pour y intégrer ces actualisations (+70.000 € - 25.000 € + 50.000 €).

La méthode de l’Actif Net Réactualisé est toujours une bonne méthode, en ce sens que, quelle que soit l’entreprise, il faudra toujours actualiser sa situation. Mais elle souvent inadaptée, particulièrement dans les entreprises de services ou les start-ups. 

4.   Méthodes de rendement

Les méthodes de rendement sont très appréciées puisqu’elles permettent d’estimer combien d’argent va remonter vers l’actionnaire et donc de déterminer la capacité de remboursement du repreneur qui a financé son acquisition par le recours à l’emprunt bancaire.

4.1.   La Méthode des Multiples et la Méthode DCF

Les méthodes de rendement les plus utilisées sont la Méthode des Multiples et la Méthode DCF

La Méthode des Multiples et la Méthode DCF sont similaires en ce que, dans les deux cas, on considère que la valeur de la société dépend de la rentabilité qu’elle dégagera :

« Je suis prêt à payer une telle somme pour acheter cette entreprise puisque chaque année, elle va dégager tel résultat en manière telle que, après x années (x = le multiple), je vais récupérer mon investissement ».

Par exemple (simpliste), si l’entreprise dégage un résultat de 100.000 € et que j'espère rentrer dans mon investissement après 6 ans, je serais prêt à payer 6 x 100.000 = 600.000 €. Mais attention, encore faut-il que je puisse raisonnablement compter que la société affichera encore les mêmes résultats dans 6 ans : cette espérance raisonnable ne sera évidemment pas la même pour un restaurant à la mode (tout passe, tout lasse) que pour une carrière de sable qui a un plan d'exploitation sur 25 ans.

La principale différence entre ces méthodes est que : 

  • dans la Méthode des Multiples, on mesure la rentabilité sur base de l’EBITDA du passé ;

  • dans la Méthode DCF, on mesure la rentabilité sur base des flux de trésorerie (cash-flow) qu’on envisage pour le futur, compte tenu du business plan qu’on envisage.

En soi, il y a une logique, pour le repreneur, à appliquer de manière préférentielle la Méthode DCF. En effet, celui qui rachète une entreprise compte bien y apporter des améliorations, développer des synergies, etc. Il est donc normal qu’il ait une préférence pour une méthode basée sur les résultats futurs.

Mais en même temps, la prudence dicte de se baser sur l’acquis, c’est-à-dire sur les résultats du passé.

Pour le dire en une formule, la Méthode des Multiples est celle des hommes prudents tandis que la Méthode DCF est celle des hommes optimistes.

Souvent, on fera la moyenne des résultats obtenus selon chacune de ces méthodes.

4.2.   Quel EBITDA ?

L’EBIDTA a fait l’objet d’une définition par la Commission des Normes Comptables (Note technique 2017/01). C’est donc à cette définition que l’on se référera.

Mais quelle année ou quelles années prendre en considération ? Il y a de bonnes années et des moins bonnes (les années Covid). Aussi, le plus souvent, on fera une moyenne des trois ou des cinq dernières années. Mais les résultats récents sont généralement plus parlant que ceux plus anciens. On appliquera alors des pondérations pour corriger la moyenne purement arithmétique.

4.3.   Quel multiple ?

Le multiple retenu sera fonction du secteur (le transport est en bas de l’échelle tandis que tout ce qui touche à la santé / pharma est en haut) et de la taille (plus la taille de l’entreprise est importante, plus le multiple sera élevé).

En moyenne, pour les PME, le multiple se situe autour de 5. 

Pour plus d’information, on consultera les données fournies par la Sowalfin ou la Vlerick Business School.

4.4.   Dette nette

Quelle que soit la méthode de rendement que l’on retienne, il faudra toujours tenir compte de l’endettement de l’entreprise (dette nette) puisque son résultat ou son flux de trésorerie, avant d’aller « dans la poche » de l’acquéreur, va devoir servir à payer les dettes de la société :

Si le résultat de l’entreprise est complètement ‘mangé’ par les dettes du passé qu’il faut bien rembourser, je devrai attendre bien plus longtemps avant de récupérer mon investissement. Dans cette mesure, je ne serai évidemment pas disposé à payer le même prix. 

Par exemple, si la dette nette s’élève à 250.000 €, je fixerai mon prix à 600.000 – 250.000 = 350.000 €.

4.5.   Ajustements : « dépenses de convenance » et « black »

Personne n’aime payer beaucoup d’impôt. Aussi, spécialement dans les petites entreprises, on met à  charge de la société une série de dépenses qui ne sont peut-être pas totalement justifiées par les besoins de celle-ci. Ou alors, on force un peu sur les avantages et la rémunération du dirigeant. Il n’est pas besoin de donner des exemples, chacun a compris. On approche de la limite, mais on reste dans la légalité.

Ces éléments vont, bien entendu, tirer les résultats de l’entreprise vers le bas et donc fausser les valorisations selon les  méthodes de rendement.

Aussi, lorsqu’on calcule le rendement de l’entreprise, on va neutraliser ces « dépenses de convenances ».

Par contre, aucun expert ne prendra jamais le « back » en considération : la limite est franchie et on est dans l’illégalité. En outre, si l’acquéreur doit faire appel à un financement bancaire pour payer le prix d’acquisition, aussitôt qu’il parlera de l’argent en noir que la société peut rapporter, il verra le banquier le raccompagner vers la sortie.

5.   Conclusion

La valorisation d’entreprises est un métier (presque un art) où, à côté de la technicité, l’expérience et le feeling ont une grande importance.

Les informations ci-dessus ne constituent qu’une minuscule introduction à la matière par un avocat qui n’y connait pas grand-chose, mais qui veut toujours comprendre. 

Au vendeur et au candidat acquéreur d’une entreprise, les meilleurs conseils que l’on puisse donner sont les suivants :

  • faites appel à des spécialistes reconnus pour valoriser la société ;

  • faites-vous expliquer leur travail de valorisation ; n’hésitez pas à poser des questions, même si vous avez déjà posé les mêmes questions la veille et l’avant-veille !

  • si vous ne comprenez pas les explications du spécialiste, ce n’est pas parce que vous êtes idiot, mais peut-être parce que il n’explique pas bien. Dans ce cas, il faut envisager de changer de spécialiste car s'il maîtrise sa matière, il doit être capable de l'expliquer correctement.

Et, bien entendu, pour vous assister sur les aspects juridiques de la vente de l'entreprise, faites appel à un avocat qui comprend les chiffres. A contrario, quant il s'agit de droit, ne vous fiez pas à un homme du chiffre : à chacun son métier.

 

Me Thierry Corbeel

Avocat spécialiste en droit des sociétés et en droit commercial

thierry.corbeel@solutio.law

 

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