Cession d'actions : garantie de passif

Rédigé le 1 October 2015

A l'occasion du rachat de la totalité des actions d'une société et malgré toutes vos précautions, serez-vous jamais certain qu'il n'y a pas des cadavres dans les placards ?

 

1. Introduction

 

Vous êtes sur le point de reprendre une société en rachetant 100 % de ses actions. Mais même si vous avez mené un audit en profondeur de la société que vous convoitez, comment pouvez-vous vous prémunir contre la découverte d'un passif caché lors de la cession ? 

 

2. Faiblesse du droit commun

 

Le droit commun n’offre que peu de recours à l’acheteur pour obtenir une réduction de prix, voire la nullité de la vente, s’il apparaît que les actions qu’il a payées 100,00 € / action n’en valent, au mieux, que 60,00 € / action, en raison d’une surévaluation de l’actif ou d’une sous-évaluation du passif de la société.

La garantie des vices cachés en matière de vente sera inefficace. En effet, l’objet de la vente, ce sont bien les actions et non le patrimoine de la société. Or, selon une jurisprudence constante, s’agissant de la garantie des vices cachés, « le défaut de la chose ou l’inaptitude de celle-ci à son usage doivent toucher la chose elle-même » et dès lors « dans le cas d’une vente portant sur des actions de société, la moins-value du patrimoine social ne saurait constituer un vice de la chose vendue » (L. SIMONT, J. DE GAVRE & P.A. FORIER, "Examen de jurisprudence (1981 à 1991), Les contrats spéciaux", R.C.J.B., 1995, p. 185, n° 47).

Mutatis mutandis, la théorie de l’erreur substantielle mènera au même résultat.

Reste la possibilité d’invoquer le dol du vendeur. Mais encore faut-il que les conditions du dol soient réunies. Or, le dol suppose qu’il y ait eu des manœuvres ou des artifices intentionnels en vue d’introduire le cocontractant en erreur. Le simple fait que le vendeur ait gardé le silence sur certains éléments n’est pas constitutif de dol ; seul le silence circonstancié et intentionnel serait dolosif.

 

Clause de garantie de passif

 

Par pallier à ces faiblesses du droit commun, les praticiens ont développé des clauses contractuelles, appelées « clauses de garantie de passif », visant à garantir la consistance de l’actif social et l’absence de passif occulte.

Ces clauses seront généralement très élaborées et très précises d’autant qu’en cas de doute, elles seront interprétées de manière stricte et restrictive (C. GUILLEMYN, La cession de fonds de commerce, d’entreprises, d’actions, Créadif, 3ème éd., 1996, p. 188).

Elles se composent généralement de deux parties. Dans un premier temps, le vendeur (appelé « le cédant ») garantit personnellement que … la mariée est la plus belle. Dans un second temps, il s’engage à indemniser personnellement l’acheteur (appelé « le cessionnaire »), s’il devait apparaître que la mariée n’était pas aussi merveilleuse qu’il l’a prétendu.

Bien entendu, lors de la négociation du contrat, le cessionnaire tentera d’obtenir les garanties et les indemnités les plus larges. Il sera généralement très délicat pour le cédant de limiter les garanties qu’il offre au risque d’annihiler la confiance du cessionnaire. Il tentera donc plus généralement de les limiter dans le temps ou de plafonner les indemnités éventuellement dues.

 

4. Exemple

 

L’exemple suivant constitue un cadre pour une telle clause de garantie de passif :

 

1. DÉCLARATIONS DES CÉDANTS

1.1. Régularité sociale

Les CÉDANTS certifient le caractère régulier de la constitution de la SOCIÉTÉ, des modifications de ses statuts et du fonctionnement de ses organes sociaux depuis sa création.

1.2. Intégralité du capital

Les CÉDANTS certifient que les Actions représentent l’intégralité du capital de la SOCIÉTÉ.

Ils certifient qu’il n’existe aucune action d’un autre type que celles faisant l’objet de la présente convention et qu’il n’existe aucun droit de souscription, warrant ou autre droit requérant l’émission d’actions supplémentaires de la SOCIété.

1.3. Propriété des Actions

Les CÉDANTS certifient qu’ils sont seuls titulaires de droits sur les Actions de la SOCIÉTÉ.

Ils certifient qu’il n’existe actuellement aucune contestation relative à ces droits et qu’à leur meilleure connaissance, personne ne pourrait valablement les contester.

1.4. Cession

Les CÉDANTS certifient qu’hormis les dispositions de l’article ___ des statuts de la SOCIÉTÉ, il n’existe aucune limitation ou interdiction à la cession des Actions qui leur soit opposable.

Ils certifient que l’accord, l’aval ou l’information d’aucune personne ou autorité n’est requis préalablement ou postérieurement à la présente cession.

Les CÉDANTS déclarent expressément renoncer chacun à leur droit de préférence prévu par l’article ___ des statuts de la SOCIÉTÉ.

Représentant ensemble l’intégralité du capital social, les CéDANTS ont dispensé le conseil d’administration de la SOCIÉTÉ de se prononcer sur l’agrément du CESSIONNAIRE.

1.5. Bilan et comptes

Les CÉDANTS certifient que les comptes annuels au ________________, figurant en Annexe 1 à la présente convention, sont complets, justes et sincères et qu’ils reflètent l’exacte situation de la SOCIÉTÉ.

1.6. Engagements hors bilan

Les CÉDANTS certifient que la SOCIÉTÉ n’est tenue par aucun engagement, notamment à titre de caution, garant ou autrement, dont l’incidence n’apparaîtrait pas dans les comptes annuels au _______________.

1.7.Travailleurs

Les CÉDANTS certifient :

  • que la SOCIÉTÉ n’emploie plus aucun travailleur, à quelque titre que ce soit, et qu’aucune rémunération ou indemnité quelconque ne reste due à un ancien travailleur ;
  • que la SOCIETE n’est plus redevable d’aucune charge, cotisation, redevance ou autre en raison de l’engagement de travailleurs par la SOCIÉTÉ.

1.8. Litiges en cours

Les CÉDANTS certifient :

  • qu’il n’existe pas de litige impliquant la SOCIÉTÉ et, qu’à leur meilleure connaissance, il n’existe pas de litige potentiel impliquant la SOCIÉTÉ.
  • Un litige oppose la SOCIÉTÉ à ____________. Ce litige est décrit dans une note de Me. ____________ figurant en Annexe 2 à la présente convention.

2. GESTION DE LA SOCIÉTÉ DEPUIS LE _______ (date de la clôture des derniers comptes annuels)

Les CéDANTS certifient :

  • qu’il n’y a pas eu de changements importants affectant la situation financière de la SOCIÉTÉ depuis l’établissement des comptes annuels en date du ____________________ ;
  • que, depuis lors, la SOCIÉTÉ est gérée et administrée selon les mêmes critères que précédemment ;
  • que les comptes de la SOCIÉTÉ ont été tenus jusqu’au jour de la signature de la présente convention de façon complète, juste et sincère et selon les mêmes règles comptables que précédemment ;
  • que plus aucune facture ou état d’honoraires n’est encore à recevoir par la SOCIÉTÉ de ses comptables et conseillers juridiques ;
  • qu’il reste en banque à la date de la présente convention un disponible de _____________ € (compte 550100) ;
  • que le compte-courant de _____________ au jour de la signature de la présente convention est de _______________ €.

 

Ils précisent toutefois :

  • que les opérations suivantes ont notamment été réalisées :
  1.  
  2.  
  3.  
  • que toutes les dettes de la SOCIété à l’égard de ses fournisseurs à la date de la présente convention (compte 440000) ont été réglées, sauf :
  1. ?
  2.  
  3.  

 

3. GARANTIE DE PASSIF

3.1.Garanties générales

Les CÉDANTS s’engagent à indemniser le CESSIONNAIRE de tout préjudice résultant de l’inexactitude d’une quelconque des garanties données par eux aux articles 1 et 2 ci-dessus.

Le préjudice indemnisable sera égal à l’impact après impôt du fait générateur du préjudice sur l’actif net comptable de la SOCIété à la date de la présente convention, majoré des dépenses raisonnablement exposées par la SOCIété en raison de la survenance du fait générateur du préjudice.

Le CESSIONNAIRE renonce toutefois à actionner cette garantie pour les dettes qui prises individuellement n’excèdent pas 1.000 €.

Pour pouvoir faire appel à la garantie, le CESSIONNAIRE devra justifier de l’existence de dettes qui ensemble totalisent 2.000 €.

Si la dette est liée à la revendication d’un tiers, le CÉDANT pourra décider de la contester, étant entendu que si cette dette excède 2.500 €, il devra préalablement consigner la somme sur un compte ouvert conjointement à son nom et celui du CESSIONNAIRE et que les frais de défense et autres relatifs à la contestation seront à sa charge exclusive. Si le CÉDANT obtient gain de cause, la somme consignée lui reviendra ; dans le cas contraire, elle sera affectée à l’apurement de la dette.

3.2. Modalités de mise en oeuvre

En cas de prétention d’un tiers qui serait susceptible d’engager la responsabilité des cédants en vertu des garanties données aux articles 1 et 2, et chaque fois que le cessionnaire aura connaissance d’un fait susceptible de donner lieu à une prétention d’un tiers, le CESSIONNAIRE s’engage, à peine de déchéance, à en informer les cédants dans les 15 jours ouvrables de la connaissance de cette prétention ou de ce fait.

3.3. Limitations

Les cédants seront dégagés de toute obligation d’indemnisation du cessionnaire pour toute prétention de tiers ou tout fait susceptible de donner lieu à une prétention de tiers qui leur serait notifié plus de trois ans après la signature de la présente convention.

La garantie des cédants est limitée à la somme globale __________ €. En aucune manière, le total, en principal et accessoires, des  indemnités dues au cessionnaire en vertu de la présente clause ne pourra dépasser cette somme.

 

Me Thierry Corbeel

avocat spécialiste en droit commercial et en droit des sociétés

thierry.corbeel@solutio.law

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