Prix fixé « à dires d’expert » : prudence !

Rédigé le 23 February 2024

Dans les pactes d’actionnaires, on prévoit souvent qu’en telle ou telle circonstance, une partie sera tenu soit de vendre ses actions, soit d’acheter celles détenues par les autres. Juridiquement, ces clauses s’analysent comme des promesses de vente ou d’achat. Dans le vocabulaire anglo-saxon, on parle d’option put ou call.

 

Régulièrement, on prévoit alors une formule de calcul du prix des actions. Il arrive toutefois que les parties ne souhaitent pas s’enfermer dans une formule prédéterminée et prévoient plutôt que « le prix sera fixé de commun accord, ou, à défaut, à dires d’expert ».

On comprend facilement que promettre de vendre ou d’acheter des actions au prix sur lequel on s’entendra plus tard est un vœu pieux. En réalité, on ne promet rien du tout si bien qu’un tel engagement est sans valeur.

Mais que penser du prix fixé « à dires d’expert » ?

Une telle disposition contractuelle s’analyse comme clause de tierce décision obligatoire : on s'en remet à la décision d'un tiers. En principe, de telles clauses sont valables.

Par ailleurs, chacun sait que, pour qu’une vente soit valable, il faut qu’il y ait accord sur la chose et sur le prix, mais aussi que le prix en question soit déterminé ou déterminable sur base d’éléments objectifs.

Aussi, pour qu’une clause de détermination du prix à dires d’expert soit valable, il faut que la désignation de l’expert soit objective ou que les éléments sur lesquels se basera un expert soient précisés. À défaut, on considère que le prix n’est pas déterminable.

Ainsi donc, il faut que, dans la clause en question, :       

  • soit l’expert qui fixe le prix soit nommément désigné ; 
  • soit, si l’expert n’est pas nommément désigné, qu’au moins l'autorité qui le désignera soit précisée (par ex., le Président de l’Institut des Réviseurs d'Entreprises, le Président du Tribunal, etc.) ;
  • soit, si le tiers n’est pas nommément désigné et si on ne précise pas quelle autorité le désigne, qu'au moins la convention précise les éléments, les critères en fonction desquels le prix sera fixé par l'expert (p. ex., sur base de la méthode des mutliples, ou sur base de l'actif net réactualisé, etc.).

A contrario, si on se limite à indiquer que le prix sera fixé « à dires d’expert » sans autre précision, il faudra considérer que le prix de cession des actions n’est pas déterminable et par conséquent, la clause est nulle.

On croyait bien faire avec une telle clause, et voilà qu’on s’est tiré une balle dans le pied ! La prudence est la mère de toutes les vertus.

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