Le piège des clauses de leaver trop sévères
Dans les pactes d’actionnaires, figurent souvent des clauses dites de « leaver ».
Par ces clauses, il s’agit d’encadrer les hypothèses où un actionnaire, dont la présence est jugée essentielle, souvent parce qu’il fait partie du management de la société, quitterait la celle-ci plus tôt que ce que le pacte autorise ou, plus généralement, ne respecterait pas les dispositions les plus importantes du pacte.
On rencontre généralement des clauses de « good leaver » et celles de « bad leaver » (avec plein de nuances entre les deux).
Le good leaver est l’actionnaire-manager qui quitte ses fonctions parce qu’il est en état d’incapacité, parce qu’il a perdu un proche ou … parce qu’il est mort tandis que le bad leaver sera celui qui quitte sans raison, qui viole des clauses essentielles du pacte, etc.
La clause s’organisera autour d’une promesse de vente : l’actionnaire-manager qualifié de leaver sera réputé avoir promis de vendre ses actions aux autres associés. S’il s’agit d’un good leaver, le prix de cession sera proche du prix du marché, mais s’il s’agit d’un bad leaver, le prix sera fixé … au ras des pâquerettes.
Et c’est là que se situe le piège.
En effet, classiquement, le prix de cession revenant au bad leaver sera le prix auquel il aura souscrit aux actions qu’il détient.
Or, il peut y avoir un écart énorme entre la valeur de souscription (p.ex. : les trois geeks qui ont fondé leur boite ensemble à la sortie des études avec un apport propre de 5.000 €) et la valeur réelle de l’entreprise (p. ex. : la start-up qui commence à intéresser des fonds qui y investissent des millions).
Si le prix de cession très bas correspond à la perte de valeur de l’entreprise résultant du départ du leaver, il n’y aura pas de difficulté. Mais le plus souvent, il s’agira d’un prix-sanction visant à « punir » le bad leaver qui aurait violé le pacte. Le prix de cession constituera alors une indemnité forfaitaire ou, autrement dit, une clause pénale.
Dans ce cas, si l’actionnaire-manager est une personne physique, alors la législation protectrice du consommateur sera applicable au pacte d’actionnaire.
Spécialement, on appliquera l’article VI.83, 17° et 24° du C.D.E (clauses abusives – liste noire) qui dispose que :
« Dans les contrats conclus entre une entreprise et un consommateur, sont en tout cas abusives, les clauses et conditions ou combinaisons de clauses et de conditions qui ont pour objet de :
(…)
17° déterminer le montant de l’indemnité due par le consommateur qui n’exécute pas ses obligations, sans prévoir une indemnité du même ordre à charge de l’entreprise qui n’exécute pas les siennes ;
(…)
24° fixer des montants de dommages et intérêts réclamés en cas d’inexécution ou de retard dans l’exécution des obligations du consommateur qui dépassent manifestement l’étendue du préjudice susceptible d’être subi par l’entreprise ;
(…) ».
Ainsi donc, si le prix-sanction dépasse manifestement l’étendue du préjudice susceptible d’être subi par l’entreprise en raison du départ inopiné du bad leaver, alors la clause de leaver sera nulle de plein droit !
Comme quoi, le mieux est l’ennemi du bien.
L’équipe Solutio