L'exclusion ou le retrait forcé au sein d'une famille
Un litige entre associés, c’est toujours très délicat. Quand, en plus, les associés font partie de la même famille, c’est épouvantable. Surtout qu’en pareilles circonstances, dans la grande majorité des cas, le litige trouve son origine dans les relations personnelles et familiales des associés plus que dans la vie de la société.
Heureusement, on considère généralement que le comportement d’un associé susceptible d’être sanctionné par une action en exclusion ou en retrait dépasse le cadre strict de la société et concerne le comportement d’un associé posé en quelque qualité que ce soit.
Par exemple, si monsieur a trompé madame, on admettra que madame puisse invoquer l’infidélité de son conjoint pour justifier sa demande de retrait (c’est-à-dire que son conjoint soit condamné à lui racheter ses actions de la société).
La jurisprudence est majoritairement en ce sens, mais il y a quand même des limites ; tout ne passe pas.
Ainsi, dans une affaire où les trois associés étaient frères et où les difficultés étaient essentiellement intra-familiales, par un jugement récent (juin 2023), la Présidente du Tribunal de l’entreprise de Liège, division Namur a refusé de faire droit à une demande en retrait forcé car le demandeur (en retrait) n’était :
« pas en mesure d’avancer d’éléments concrets de nature à démontrer qu’il ferait l’objet d’un traitement incompatible avec le maintien de sa qualité d’associé ».
En conclusion, en cas de dispute d’ordre privé au sein d’un couple ou d’une fratrie dont les protagonistes sont aussi associés au sein d’une société, les tribunaux accepteront assez souplement les actions en retrait ou en exclusion parce que, dans l’immense majorité des cas, le privé déteindra sur le professionnel. Mais si le cloisonnement privé-professionnel est étanche, l’action fondée uniquement sur des manquements dans la vie privée sera rejetée.