Décote ou pas décote d’illiquidité ?

Rédigé le 19 March 2024

En cas de procédure judiciaire en retrait forcé ou en exclusion d’un actionnaire, une question agite la doctrine et la jurisprudence : faut-il, oui ou non, appliquer une décote d’illiquidité ?

Le scénario est classique : une fois que l’expert judiciaire désigné par le Tribunal pour valoriser la société a fixé le prix, l’affaire est quasiment pliée. C’est qu’en effet, il est très rare (de notre expérience, environ une fois sur dix) que le Tribunal s’écarte du prix déterminé par l’expert.

Mais, que le juge se rallie ou non à la valorisation faite par l’expert, il lui reste à trancher la problématique de la décote d’illiquidité.

La question est importante car les décotes sont souvent comprises entre 15 % et 30 % du prix !

Au nord du pays, la tendance est très nette : on n’applique de moins en moins de décotes d’illiquidité. Les cours d’appel de Gand et d’Anvers ont déjà rendu plusieurs décisions en ce sens.

Au sud, c’est le contraire : les tribunaux sont plutôt « pro-décote » (la force de l’habitude ?), mais la situation évolue. Ainsi, alors qu’il y a seulement deux ou trois ans, on appliquait une décote d’illiquidité presque sans réfléchir, nous avons récemment relevé les situations suivantes :

  • pas de décompte, par principe inapplicable en cas de procédure judiciaire de résolution des conflits entre actionnaires (solution à la flamande) ;
  • pas de décote automatique : tout est cas d’espèce et le juge motive tout spécialement sa décision ;
  • pas de décote, car, l’illiquidité relative des actions était déjà prise en compte dans la formule de valorisation de l’entreprise retenue par l’expert (en l’espèce, il s’agissait de la méthode des multiples de l’EBIDTA et le multiple retenu par l’expert était dans le bas de la fourchette).

Enfin, il a un argument contre la décote, soulevé par le Prof. Bernard Tillman dans son ouvrage « Geschillen-regeling in vennootschappen » (Intersentia, 2023), qui s’applique spécialement lorsqu’il n’y a que deux associés : à la décote d’illiquidité qui frappe les actions de l’actionnaire sortant correspond une surcote de liquidité qui profite à l’actionnaire restant. En effet, les actions de l’actionnaire restant étaient aussi peu liquides que celles de son associé sortant, mais suite au retrait ou à l’exclusion, il détiendra 100 % des actions en manière telle que celles-ci sont devenues beaucoup plus facile à vendre. Il s’opère donc une compensation entre décote et surcote. Nous attendons un beau procès pour plaider en ce sens. 

Nous risquons toutefois d’attendre longtemps, car, en matière de conflits entre actionnaires, il est  exceptionnel qu’on aille jusqu’au terme de la procédure : par la conciliation ou la médiation, le plus souvent, on trouve un accord amiable.

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