La disparition et la transformation des Unions Professionnelles en ASBL

Rédigé le 30 September 2019

Les Unions professionnelles existaient depuis 1898. Cela avait un petit goût de 'Germinal'. Mais c'est fini et il va falloir s'adapter.

Les Unions professionnelles telles que nous les connaissons aujourd'hui vont disparaître suite à l'entrée en vigueur du nouveau Code des Sociétés et des Associations. Elles seront transformées en ASBL.

1.  La disparition des Unions professionnelles

Les Unions professionnelles (ci-après UP) sont régies par la loi du 31 mars 1898. 

Cette loi est purement et simplement abrogée par la loi du 23 mars 2019 introduisant le Code des sociétés et des associations (ci-après CSA).

La loi du 23 mars 2019 prévoit des mesures transitoires (voir ci-dessous), mais, à terme, toutes les UP telles que nous les connaissons aujourd’hui auront disparu

Elles seront transformées en ASBL. 

Il s’agira :

  • soit d’ASBL classiques, 
  • soit d’ASBL agrées comme union professionnelle.

2.  Calendrier

La loi abrogeant les Unions professionnelles (le CSA) est entrée en vigueur le 1ermai 2019 ; l’application de la nouvelle législation aux UP existantes se fait de manière progressive :

  • entre 1ermai 2019 au 31 décembre 2019, l’UP a la possibilité de passer en ASBL (opt-in). 
  • entre 1erjanvier 2020 au 31 décembre 2023, l’UP a l’obligation de se transformer en ASBL à l’occasion de la première modification des statuts, et au plus tard le 31 décembre 2023. À défaut de modification des statuts et de la forme, les dispositions impératives du CSA applicables aux ASBL s’appliqueront d’office aux UP, peu importe que leurs statuts ne soient pas encore conformes au CSA. Les clauses contraires sont réputées non-écrites et ne pourront donc pas être appliquées. Toutefois, les UP seront toujours régies par les dispositions supplétives de la loi du 31 mars 1898
  • à partir du 1erjanvier 2024, les UP qui ne se seront pas encore adaptées seront automatiquement transformées en ASBL.

3.  Quelle forme choisir : ASBL classique ou ASBL agréée en Union professionnelle ?

3.1. Les activités économiques

Le nouveau CSA a introduit une révolution dans la matière des ASBL. 

Il a supprimé l’interdiction de poser des actes commerciaux. Les ASBL peuvent désormais exercer une activité économique, pour autant qu’elles conservent leur but désintéressé. Ainsi, elles ne pourront pas « distribuer ni procurer directement ou indirectement un quelconque avantage patrimonial à ses fondateurs, ses membres, ses administrateurs ni à toute autre personne sauf dans le but désintéressé déterminé par les statuts » (article 1 :2 CSA). 

Toutefois, cet élargissement du champ des activités des ASBL ne vaut que pour les ASBL classiques.

En effet, pour les ASBL agréées en UP, le législateur de 2019 a repris telles quelles les limitations prévues par la loi de 1898.

Ainsi, les ASBL agréées en UP ne peuvent exercer « de profession ou de métier personnellement », autres ceux autorisés par la loi. 

Concrètement, elles ne peuvent effectuer que les activités suivantes :

  1. les contrats rendus nécessaires par le fonctionnement des ateliers d’apprentissage ;
  2. les achats de matières premières, semences, engrais, bestiaux machines et tout autre outils ainsi que tout objet nécessités par l’exercice de la profession / métier de ces membres, dans le but de les revendre à ses membres ; 
  3. les achats de produits de la profession / métier de ses membres pour leur revente ; 
  4. les opérations de commission pour les membres de l’ASBL, dans les cadres des activités visées aux points 2 et 3 ;
  5. les achats de bestiaux, machines et tout autre objet pour être mis à l’usage des membres de l’ASBL pour l’exercice de leur profession / métier et restant de la propriété de l’ASBL.

De prime abord, on pourrait donc penser que, finalement, rien ne change pour les UP qui se seront transformées en ASBL agréées en UP : elles pourront faire demain exactement la même chose que ce qu’elles font aujourd’hui.

Une telle appréciation appelle toutefois des réserves.

En effet, :

  • Certaines activités exercées par les UP en marge de leur « core business » sont parfois sujettes à caution. Jusqu’à présent, elles étaient plus ou moins admises (mais en réalité, personne ne les contrôle réellement) en se basant sur une lecture téléologique de la loi. Toutefois, une telle interprétation téléologique pourrait être remise en cause : précédemment, on pouvait justifier un tel mode d’interprétation au motif que, au début du XXIe siècle, on ne pouvait pas interpréter textuellement une loi datant de la fin du XIXe. Mais en va-t-il encore ainsi aujourd’hui alors que le texte date de 2019, même si ses origines remontent à 1898 ? À tout le moins, il faut considérer que ces activités ne sont pas exercées dans une grande sécurité juridique.
  • Ces restrictions aux activités économiques des UP et des ASBL agréées en UP constituent un carcan à de nouveaux services qui pourraient être offerts aux membres.

En conclusion, au niveau des activités économiques, il semble qu’il soit préférable d’opter pour une transformation de l’UP en une ASBL classique.

3.2. Les actions en justice

Force est de constater que, jusqu’à l’entrée en vigueur du CSA, les UP et les ASBL étaient des structures assez semblables.

Toutefois, ce qui caractérisait vraiment les UP, c’est qu’elles pouvaient agir en justice au nom de leurs membres, mais seulement pour « la défense des droits individuels que ses membres tiennent de leur qualité d'associés ».

Ainsi, imaginons qu’une UP ait conclu, pour ses membres, un contrat d’assurance et qu’un litige survienne entre un membre et la compagnie d’assurance. En pareil cas, l’UP peut agir en justice contre la compagnie, au nom et pour le compte dudit membre. 

Il s’agissait là d’un droit tout à fait exceptionnel qui est maintenu pour les ASBL agréées en UP. 

À l’inverse, une ASBL classique ne pourra jamais agir pour ses membres. Elle ne pourra jamais engager une procédure ou intervenir dans un procès que si elle a un intérêt personnel à l’action, par exemple parce qu’elle subit elle-même, personnellement, un dommage.

En conclusion, si la défense des intérêts personnels de ses membres fait partie de l’ADN de l’UP, elle aura intérêt à se transformer en ASBL agréée comme UP.

4.  Quels changements en tout état de cause ?

Que l’UP se transforme en ASBL classique ou en ASBL agréée en UP, de nombreux changements interviendront.

Ainsi, par exemple, : 

  • l’ASBL (classique ou agréée) peut ne compter que 2 membres là où il en fallait 7 dans les UP ;
  • l’ASBL (classique ou agréée) peut posséder n’importe quel immeuble là où l’UP ne pouvait en principe posséder d’autres immeubles que ceux directement nécessaires à l’exercice de ses missions ;
  • l’ASBL (classique ou agréée) pourra être actionnaire d’une société commerciale alors que c’était interdit aux UP ;
  • l’ASBL (classique ou agréée) pourra introduire une procédure en redressement judiciaire ou être déclarée en faillite ;
  • les tenanciers d’un débit de boissons spiritueuses pourront désormais être administrateur d’une ASBL (classique ou agréée) alors qu’ils ne pouvaient être administrateur d’une UP (ouf !).

5.  Responsabilité des administrateurs

Les administrateurs des UP et des ASBL bénéficiaient d’un régime de responsabilité assez léger, découlant du droit commun et des règles du mandat.

Le CSA apporte toutefois des modifications très importantes à ce niveau.

Dorénavant, le régime de la responsabilité des administrateurs des ASBL est calqué sur celui des administrateurs des sociétés commerciales que se caractérise, en bref, par :

  • une responsabilité plus lourde ;
  • la responsabilité solidaire des administrateurs.

Le CSA prévoit toutefois des plafonds de responsabilités :

  • 250.000 € pour un administrateur au sein d’une ASBL avec un chiffre d’affaires inférieur  à 700.000 € ainsi qu’un total de bilan inférieur à 350.000 € ; 
  • 1.000.000 € pour un administrateur au sein d’une ASBL avec un chiffre d’affaires supérieur  à 9.000.000 € ainsi qu’un total de bilan supérieur à 4.500.000 € ; 
  • 3.000.000 € pour un administrateur au sein d’une ASBL avec un chiffre d’affaires supérieur  à 9.000.000 € ainsi qu’un total de bilan supérieur à 4.500.000 € pendant trois exercices comptables précédant l’action en responsabilité, sans pour autant atteindre le seuil suivant ;
  • 12.000.000 € pour un administrateur au sein d’une ASBL avec un chiffre d’affaires supérieur  à 50.000.000 € ainsi qu’un total de bilan supérieur à 43.000.000 € .

Note :   Pour les ASBL avec une comptabilité simplifiée : ?

  • Le chiffre d’affaires est le montant des recettes autres que non récurrentes ;
  • Le total du bilan est le plus grand des deux montants figurant sous les avoirs et les dettes. 

Ces seuils ne s’appliquent toutefois pas dans les cas suivants : 

  • en cas de faute grave, de dol, de faute légère habituelle ;
  • en cas de responsabilité solidaire des administrateurs à l’obligation de paiement du précompte professionnel par l’ASBL, si le non-paiement est dû à une faute de l’administrateur ;
  • en cas de responsabilité causée par l’élution volontaire du paiement de la TVA ;
  • en cas de responsabilité solidaire pour des dettes de cotisations sociales si l’administrateur était impliqué dans deux précédentes faillites, en qualité d’administrateur, à l’occasion desquelles des dettes de même type n’ont pas été payées. 

Ces éléments devraient inciter les administrateurs à tenter de se couvrir via une assurance de responsabilité pour lui permettre de jouir d’une protection équivalente à celle dont peuvent jouir les administrateurs d’entreprises commerciales.

6.  Conclusion

Les responsables des UP sont confrontées à des choix. Reste à faire les bons !

 

Septembre 2019

 

Me Thierry Corbeel

Avocat spécialiste en droit des sociétés

Avocat spécialiste en droit commercial

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